J'avoue que la tribune publiée ce mois-ci par le Nouvel Observateur, "l'interdiction de la prostitution est une chimère" et signée par un certain nombre d'intellectuels m'a laissé perplexe.
Le sujet étant vieux comme le monde, l'abolition serait un voeu pieux. "La sexualité humaine varie selon les sociétés. Et, dans une même société, elle change selon les époques et les classes".
Les velleités actuelles du gouvernement seraient liberticides, relevant "d'un parti pris idéologique... s'érigeant en juge d'un domaine éminemment privé... au nom d'une conception abstraite de l'humanité". La sexualité tarifée ne serait pas une atteinte à la dignité des femmes. Toutes les prostituées ne seraient pas des victimes. Tous les clients ne seraient pas des salauds. Fermez le ban !
Mais de quoi parlons-nous ? Est-ce une conception abstraite de l'humanité que de considérer qu'un individu n'a pas le droit de disposer librement du corps d’une autre personne parce qu’il a payé ? S'agirait-il de considérer, sans autre forme d'inventaire que l'invocation d'adultes consentants, que la prostitution est un choix ? Sommes nous sur le terrain d'une liberté sexuelle à préserver dès lors qu'il s'agit de préserver des droits humains ? Sommes-nous sur le terrain d'une morale puritaine dès lors qu'il s'agit de condamner cette triple exploitation économique, sociale et sexuelle ? Je ne le pense pas. Il s'agit tout simplement de résistance au libéralisme et à l'impérialisme d'une de ses formes les plus achevées. Je ne ferais pas le procès à nos auteurs de refuser cette résistance. Tout au plus, je m'interroge sur l'ambiguité des motivations et arguments avancés. La notion de choix librement consenti se trouvant d'ailleurs l'objet - à juste titre - de leurs propres dénonciations sur d'autres sujets relatifs à la dignité de la femme.
Evidemment, ce n'est pas à la personne qui vend son corps à être condamnée. Punir la victime en tant que délinquante serait un comble. Il fut atteint par la fameuse loi sur la sécurité intérieure - une loi sur l'offre - de N. Sarkozy. On nous propose aujourd'hui de peser désormais sur la demande, c'est à dire les clients. Je ne sais pas si cette solution à la suédoise est un progrès ou une panacée. Je suis en tout cas certain qu'elle n'est pas celle d'une abolition promise et qu'il faut aussi résister à la tentation d'assimilation de la responsabilité pénale d'un client à celle d'un proxénète.
Je crois en la matière, tout comme le disent les auteurs de ce texte, qu'il faut éviter "de se donner à peu de frais l'illusion d'agir." Certes, mais il faut aussi agir et agir surtout sur la génération de l'offre, je veux parler des réseaux de proxénétisme et de commerce du corps.
La prostitution est aujourd'hui le secteur d'activité le moins risqué et le moins pénalisé du crime organisé. Il est aussi l'une des sources les plus lucratives. Alors oui, discutons du sujet. Confrontons les alternatives. Mais de grâce, cernons d'abord ce dont nous parlons. Le candidat Hollande n'a jamais parlé d'abolitionnisme mais de réduction de la prostitution. Nous sommes donc dans la régulation qui pour être efficace nécessitera toujours, sous une forme ou une autre, sanction et interdit. Nous sommes effectivement confrontés à un usage criminel de la sexualité.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire