En matière de sécurité, comme l'a si joliment dit un jour Robert Badinter, "point n’est besoin d’avoir médité sur l’art de gouverner les peuples
pour mesurer l’avantage politique d’incarner à la fois le Shérif et Mère
Theresa". Surfer sur la vague
émotionnelle face à la délinquance est
souvent profitable à celui qui témoigne haut et fort de son indignation, de sa
compassion et de sa velléité". Mais cela s'avère malheureusement moins redoutable dès lors qu'il s'agit d'en mesurer les effets réels. En la matière, C.Pasqua puis N.Sarkozy furent des maîtres. Et les élections municipales d'aujourd'hui offrent une belle occasion pour leurs exégètes.
A Toulouse, il y a les propositions émises par un candidat divers gauche, Jean-Pierre Plancade, dont on avouera sans peine qu'il s'agit davantage d'un candidat plus divers que de gauche.
Et puis il y a celle émise par le candidat de l'UMP, Jean-Luc Moudenc, dont on avouera que la discrétion à se revendiquer de l'UMP est loin de l'empressement qu'il déploya par ailleurs pour en réclamer l'investiture. Je laisse naturellement le soin aux adhérents de cette formation politique de mesurer à la fois l'abnégation de l'engagement et la clarté de la conviction.
Preuve d'une intransigeante détermination et de l'indéfectible sinuosité de son parcours, JP Plancade propose 300 policiers et 450 caméras supplémentaires, dotées "de logiciels perfectionnés pour détecter les
comportements, les lueurs, les bruits..." et pourquoi pas les odeurs !
Peu importe que la loi ne permette pas tout cela, il suffit de compter sur la crédulité du coup de menton et du torse bombé. "Il faut que les voyous sachent qu'ils ne sont pas les bienvenus".
Son collègue de l'UMP réclame quant à lui 100 % d'agents supplémentaires pour les premiers et une multiplication par 10 pour les secondes, pariant ainsi sur le choc des chiffres et le poids des intentions.
Qui dit mieux ? Ce n'est plus le concours Lépine, c'est la course à l'échalote.
Malheureusement, cette triste compétition risque fort d'appauvrir le remède. Voilà qui interessera davantage la gauche, l'Etat de droit et l'efficacité de l'état du droit.
En supposant que la vidésurveillance crée des zones privilégiées à l'abri de la violence (mais peut paradoxalement provoquer en ces mêmes lieux une violence plus grande des actes comme le soulignerait mon ami et colistier Marc Sztulman), cela veut dire que d'autres zones se trouveraient donc plus exposées. Si
elle peut dissuader le malfaiteur d’agir ici, elle ne peut le détourner
d’accomplir son acte ailleurs, à moins d'en généraliser l'usage à tout l'espace public. Ce dont nous protège la loi et...la constitution.
"En enlevant la pourpre de la rhétorique, le roi se trouve nu".
Ce qui interrogera donc à ce stade l'électeur éclairé sera autant de savoir où installer ces caméras que d'identifier par contre-coup les endroits qui en seraient dépourvus.
Face à l'inquiétude habilement cultivée à l'échelle de toute une ville, que répondre aux résidents de territoires en jachère d'une telle attention sécuritaire ? L'apparente velléité tombe dans son propre piège. Celui d'un discours sécuritaire qui autoalimente son propre foyer.
La gauche n'est pas l'amie des "voyous". Elle n'a d'angélique que sa foi
dans l'efficacité de l'action
plutôt que dans la quantification enflammée et dogmatique d'un ratio de
policiers municipaux et de caméras rapportés à un nombre d'habitants.
Cette statistique, appliquée à des réalités différentes, n'a aucun sens
si ce n'est celle d'illustrer par l'incantation une paresse de la
raison et de l'action.
La délinquance est variable selon les villes et les régions. Elle n'a
pas la
même intensité partout. Seuls les acteurs du terrain : préfets,
élus locaux, magistrats, avocats, responsables de la police, éducateurs,
travailleurs sociaux, peuvent, dans une réflexion commune et une action
d'ensemble, réduire par des actions ciblées, concrètes, la violence sur
le
terrain. Tels sont les lieux de cette coordination qui ont été créés à Toulouse et que d'autres villes avaient mis en place depuis des
années, sauf à Toulouse.
Pour ma part, le sujet n'est donc pas d'être pour ou contre la vidéosurveillance. Il est d'en déterminer l'opportunité au regard de finalités légalement encadrées. Il est d'éviter la résignation à combattre au profit d'une miraculeuse corne d'abondance quantitative.
Convaincu par le précepte juridique "des circonstances de temps, de lieu et de proportionnalité", je suis un adepte du diagnostic qui permet justement de déterminer ces circonstances.
C'est ce que fait Pierre Cohen : un certain pragmatisme, illustré par une méthode et éclairé par une éthique. Les idéologues ne sont pas ceux qu'on imagine. Je fais davantage confiance aux avis de la commission des libertés publiques et du Conseil de Prévention de la délinquence qu'à ceux qui exploitent la crédulité publique et que le littré dans son tome 2 affuble du nom de charlatans.
Intéressant. Je suis en accord avec la conclusion :
RépondreSupprimer"Pour ma part, le sujet n'est donc pas d'être pour ou contre la vidéosurveillance. Il est d'en déterminer l'opportunité au regard de finalités légalement encadrées. (...) Convaincu par le précepte juridique "des circonstances de temps, de lieu et de proportionnalité", je suis un adepte du diagnostic qui permet justement de déterminer ces circonstances. "
Ce qui précède est cependant trop à charge contre la videosurveillance qui est devenu un outil parmi d'autres, à ne pas négliger il me semble.
Pour moi instaurer des poles de tranquillité, autour de certaines zones commerciales, des transports en commun, des lieux culturels, est important, notamment dans les quartiers sensibles. Cela pérénise les activités, favorise la mixité, optimise l'utilisation des équipements publics.
Plusieurs expériences personnelles m'ont convaincu en ce sens.
http://lebavost.wordpress.com/2012/03/08/quelle-politique-de-securite-et-de-tranquilite-pour-nos-quartiers/
Je suis donc en accord avec la conclusion, une position non dogmatique, sans surenchère ou démagogie.