En lisant cette lettre ouverte que publie France Info, je suis saisi d'un sentiment de forte inquiétude. L'affaire des "crocodiles" interdits d'affichage à Toulouse est sortie de son marigot local pour connaitre désormais un écho national. Il y a des publicités dont on se passerait bien.
Face aux critiques, évidemment, les élu(e)s concerné(e)s se défendent de toute acte de censure. A les suivre, il n'y aurait pas eu d'interdiction puisqu'il n'y a pas eu préalablement d'autorisation !
En gros, couper la parole à quelqu'un serait un acte de censure tandis que l'empêcher de parler n'en serait pas un. Dans un cas, la castratrion. Dans l'autre, une douce prophylaxie. Et dans les deux cas, protéger les âmes avant même l'apparition du mal.
Mais de quel mal parle-t-on ? Le problème est que cette BD s'inscrit justement dans la dénonciation des violences faites aux femmes, toujours accompagnées des "vulgarités" de la soumission, et qu'elle en fait état dans leur vérité.
Tout comme Maïwen dans son film "Polisse", dont le talent de la mise en scène fut en définitive celui d'un quasi documentaire osant décrire et nommer l'innommable, les "crocodiles" de Mathieu sont un écho direct d'une innommable violence. Ne devrait-elle pas émouvoir davantage que le simple fait d'être racontée ? Fort heureusement, nos élus toulousains ne siègent pas au CSA et "Polisse" aura connu une diffusion TV en prime time.
André Gill, qui était aussi un portraitiste, inventa en 1868 Madame Anastasie. Elle symbolisait la censure dont fut victime son premier journal. Elle
apparaîssait ainsi, sous les traits d'une concierge, tantôt œil du propriétaire, tantôt indicatrice de la police, s’en prenant souvent à des moulins à
vent, et militant toujours dans les ligues vertueuses. Elle n'aurait pas eu à rougir de certaines résistances d'hier contre l'IVG ou d'aujourd'hui contre le mariage pour tous. Elle n'aurait pas hésité à sortir ses ciseaux pédagogiques afin de satisfaire sa phobie de l'égalité et de ses abécédaires.
Revenons au cas présent, peu importe qu'il soit qualifié de censure ou pas. En revanche, n'y aurait-il rien à contester des arguments qui ont emporté la décision (ou la non décision, ce qui revient au même) ? J'y vois malheureusement le dangereux ferment des petites suspicions qui font le lit des grandes inquisitions.
Monsieur le Maire, je vous en conjure
Pour mieux vous garder de certaines tentations et irrémédiables fêlures,
Pour éviter votre entourage de devoir faire taire,
N'imitez pas Mesnard, évitez Zemmour et faites lire Voltaire.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire