Je publie ci-dessous l'intervention de ma collègue Claude Touchefeu, à l'occasion du conseil municipal de Toulouse au sujet d'une délibération supprimant le conseil de la laïcité pour le transformer en "Toulouse fraternité". Plus qu'une délibération, elle relevait davantage de l'exortation apostolique visant à réduire l'enjeu au dialogue entre les religions dont la diversité manifesterait "l'âme" de la cité.
Cette affaire n'a rien d'une banale question de sémantique.
Si tel était le cas, que peut motiver une délibération qui ne changerait que des mots ? pourquoi remplacer le mot de laicité par celui de fraternité ? Et pourquoi la proposition adoptée au final rassemble les deux termes ("Toulouse fraternité - conseil de la laïcité") si ce n'est pour relativiser de fait le second ? Au final, plutôt qu'un pseudo compromis politicien, il aurait mieux valu prendre le temps d'une autre écriture pour un vrai consensus républicain.
Quand la délibération a été distribuée et illustrée comme s'inscrivant je cite dans "la continuité du conseil de la laïcité" mis en place en 2013 par pierre Cohen, j'ai une seconde pensé que vous cherchiez M Moudenc à vous réapproprier une idée intéressante innovante et courageuse et qu'en changeant de nom vous ne cherchiez qu'à en récupèrer la paternité et pouvoir dire "j'ai créé toulouse fraternité...."
En fait, j'ai découvert que c'était plus grave, beaucoup plus grave que cela.
La notion de laïcité ne disparaît pas simplement dans le titre mais bien dans les missions.Vous avez repris les 5 points résumant les missions du conseil de la laïcité en les modifiant.. mais l'un d'entre eux disparaît totalement. Il en était pourtant le cœur.
"il a pour mission de faire vivre la laïcité dans la cité et ainsi éclairer la municipalité sur des questions relevant du vivre ensemble..."
Pourquoi avoir fait disparaître ce paragraphe et que devient donc le cœur de mission de ce nouveau conseil ?
Je lis :
"Il s'agit aujourd'hui de le confirmer pour que le libre exercice des cultes soit réaffirmé"..."Favoriser la reconnaissance et le respect des différentes spiritualités qui font l'âme de notre cité. La laïcité ciment de notre république doit être comprise avant tout comme la liberté qui irriguent la société française"
Et bien non ! le ciment de la laïcité n'est pas comme vous le dites en tout premier lieu le respect de toutes les religions qui irriguent la société française.
La laïcité ce sont trois principes indissociables. La liberté de conscience qui ne se résume pas à la liberté religieuse. La liberté de conscience, c'est aussi celle de croire ou ne pas croire. L'égal traitement de tous les citoyens La défense du bien commun comme seul objet de l'Etat.
La laïcité, ce n'est pas l'organisation de la coexistence des religions.
Vous nous amenez là vers une conception communautaire, pluri confessionnelle de la laïcité. Ce que vous nous proposez est une promotion des religions et du dialogue inter cultuel plus qu'une promotion de la laïcité.
Ce faisant, vous changez ainsi le sens même de ce que nous cherchions à faire..
Aujourd'hui qu'est ce que nous devons combattre, qu'est ce qui met en danger la république ?
Est ce que c'est la liberté de culte ou la liberté d'expression religieuse ?
Ou bien plutôt l'obscurantisme, les réflexes communautaires, la haine par méconnaissance ?
Quand nous écrivions que
"La lutte contre les ignorances les amalgames, les replis sur soi, phénomènes qui mettent en danger la république, passent par la connaissance et la reconnaissance de l'autre dans ses croyances et ses convictions "
Vous préférez
"Favoriser la reconnaissance des courants spirituels qui font l'âme de notre cité..."
Ce n'est pas la même chose.
Quand nous écrivions que le conseil de la laicité "entend œuvrer dans une esprit de dialogue et de rassemblement afin de lutter contre les dérives communautaires"
Vous dites plutôt qu'"il entend œuvrer dans un esprit de dialogue et de rassemblement contre les dérives sectaires et multiplier les manifestations communes".
Evidemment, nous sommes pour combattre les dérives sectaires mais pourquoi l'avoir substitué à la lutte contre les dérives communautaires..., le communautarisme qui essaie d'introduire " un filtre " dans la relation entre le citoyen et la république ou d'obtenir des droits specifiques en fonction d'une appartenance, n'est ce pas la sujet de préoccupation et de reflexion...?
Si elle doit garantir à chacun la liberté d'appartenir ou non à une communauté, la république n'est pas une addition de communautés.
De quelle manifestations communes parlez vous ?*
Non, Monsieur Moundenc, nous ne reconnaissons pas de continuité entre le conseil de la laïcité que nous avons créé ensemble et Toulouse fraternité que vous nous proposez aujourd'hui.Ce n'est même pas un conseil de la laïcité light. Il s'agit plutôt d'une laïcité frelatée."
* la réponse ne s'est pas faite attendre. C'est M. Lesgourgues, élu de la majorité, qui la précisera en séance :"Rien n'est plus beau qu'on curé, un rabbin, un imam qui se tiennent la main..."
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