En cette rentrée, à l’heure ou s’aiguisent les appétits
politiques (parfois primaires), comment caractériser la situation ?
A gauche comme à droite, c’est d’abord celle du morcellement
et de la décomposition. Devant la gauche divisée, la droite n’a même plus
besoin d’attaquer son bilan parlementaire collectif, d’autres logorrhées s’en
chargent. Elle s’attèle surtout à parler au noyau dur de son électorat, à libérer
la parole des instincts populistes, à coller aux tendances profondes du repli
réactionnaire anti républicain. En d'autres temps, il en fallait moins pour exprimer la
solidarité unitaire des progressistes.
Persuadée dans le contexte actuel que le vainqueur de sa
primaire sera automatiquement celui de la présidentielle, la droite organise le
concours Lépine du « plus à droite tu meurs ». Nicolas Sarkozy a déjà
réussi son buzz. Plus qu’un buzz, c’est une stratégie. Celle de fixer le cadre, les
thèmes, le centre de gravité autour desquels l’espace des conservateurs doit désormais se
structurer.
A Fillon et Juppé, le terrain de la révolution libérale économique et sociale. A Sarkozy, celui de la contre-révolution
autoritaire et sociétale. Mais l’une ne va pas sans l’autre. Le redoutable programme social
inégalitaire aura besoin du terrifiant programme autoritaire : recul de l’Etat
de droit, mépris de la démocratie sociale et des corps intermédiaires, rétrogradation
identitaire de la citoyenneté.
L’attaque est centrale. L’offensive est en marche. Zemmour la
déroule et Ménard la savoure.
A ceux qui pensent que ce n’est pas la République
qui est en jeu, mais que l’enjeu économique et social est la priorité du
moment, je leur conseille de relire le préambule de la constitution de 1946.
Il n’y a point de République sans République sociale. Tout
comme il n’y aura point de République sociale si l’équilibre des pouvoirs n’est
pas respecté. Il en va ainsi des propositions de la droite. La restauration méthodique de cet outil d’ancien
régime que de gouverner par ordonnance, la recentralisation de pouvoirs dévolus
aux collectivités locales, la mise à bas de la « détermination collective
des conditions collectives de travail » avec le contournement des organisations
syndicales. Si la loi El Khomry a suscité bien des émois, écouter la différence
devrait pourtant réveiller la conscience et la sagesse des vrais combats
structurels.
En prenant la responsabilité d’ouvrir davantage encore l’espace
politique du Front National, Nicolas Sarkozy libère la radicalisation. Ce qui est en jeu n’est plus l’alternance
politique, c’est l’alternative anti-républicaine.
Comprendre ce qui se joue dans les mois qui viennent est
essentiel. Il n’est pas de savoir qui gagnera la primaire de droite mais ce que
fera son vainqueur du patrimoine politique de telles orientations. Le mettre en
œuvre ou le trahir. C’est-à-dire, in fine, le confier à l’extrême-droite.
A Gauche, on voulait aussi la primaire, gage d’efficacité et
de rassemblement. Elle est désormais là, prévue pour Janvier 2017. Mais elle ne
suffira pas à garantir l’un et l’autre. Quoi qu’on en dise, cette rentrée
confirme la conjecture. Le sujet aura toujours été d’empêcher le Président
sortant d’être candidat. Devenu trop libéral pour certains et pas assez pour d’autres,
l'issue ne relèvera pas d'un "plus à gauche que moi tu meurs". Les français, depuis des années, ont déjà donné. Elle ne sera pas davantage dans le "plus ailleurs que moi tu disparais". Dire que l'on est ailleurs ne rassure en rien sur ce que l'on est ou ce que l'on veut.
Tout cela ne dit rien, en soi, de la reconstruction théorique et
pratique de la gauche de demain. La vraie gauche n'est pas dans l'incantation. Car l'incantation aussi, les français ont déjà donné. Elle est la meilleure alliée du conservatisme.
La responsabilité assumée du pouvoir, sa détermination historique à demeurer la
colonne vertébrale de la République, sa quête perpétuelle de l’égalité et de l’émancipation, le progrès pour tous nourrissant la protection pour chacun, voilà ce qui fonde l'équilibre de la profonde identité de la gauche.
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