Monsieur le Maire – Président,
Cette
rentrée politique est placée sous le signe de primaires pour la désignation du
candidat de votre formation politique à la prochaine élection présidentielle.
Ne
sachant pas quel sera votre choix personnel mais découvrant chaque jour les
propositions développées par chacun des candidats, je m’interroge tout
naturellement sur le soutien que manifestera le premier magistrat de la
quatrième ville de France aux propositions du Parti dont il a réclamé
l’investiture en 2014 et dont il fût le responsable départemental.
Inquiet,
comme moi, du sort réservé aux collectivités locales, nous nous retrouverons
sans doute pour condamner toute perspective d’accroissement de l’effort demandé
à ces dernières et tout discours de stigmatisation dangereusement développé par
vos candidats. Sans peine, à Toulouse, vous retirerez donc la main sur le coeur
votre solidarité.
Selon
les sources, les propositions fluctuent. J’ai retenu celle d’une baisse des
dépenses publiques de 150 Milliards d’euros en cinq ans, soit un ratio de 30
Milliards de baisse de dotations aux collectivités.
Doit-on
s’attendre avec ce choc récessif en cas de victoire de l’un des vôtres, à une
compensation par une nouvelle augmentation de l’impôt local, notamment à
Toulouse, à l’heure où la prévision d’endettement de notre territoire à
l’horizon de 2030 devrait atteindre près de 4 milliards d’euros dont 2,8 pour
le SMTC.
De
la même manière, et en cohérence, condamnerez-vous certainement toute
proposition de restriction de la libre administration des collectivités territoriales
et toute modification de la constitution allant dans le sens du recul
de la décentralisation. Ainsi rejetterez-vous l’idée que la loi contraigne
les exécutifs territoriaux à concourir à la suppression de 300.000 à 500.000
emplois, selon les candidats LR, dans les services publics à l’échelle du pays
et de ses territoires.
Les
milliers d’agents de notre collectivité seront également intéressés par votre
refus de soutenir l’idée d’une liberté de négociation à la carte pour les exécutifs
locaux afin de faire converger les règles de retraite du public et du privé
autour des 25 années de carrière, à contractualiser ou externaliser les
services qui ne relèvent pas de prérogatives de souveraineté, et à disloquer de
fait le statut de la fonction publique. Quand je pense que certains de vos amis
veulent même supprimer le statut de la fonction publique territoriale !
Vous
sachant épris de démocratie et de l’oecuménisme des pratiques qui
l’accompagnent, sans doute n’accepterez-vous pas la voie des ordonnances pour
mettre en oeuvre des mesures touchant au domaine social et nécessitant le
dialogue avec les partenaires sociaux. Je pense bien sûr aux 35 heures comme
durée légale du travail dont l’abrogation est promise par tous les
candidats LR.
Autre
promesse étrange des candidats si elle n’était pas concomitante à la baisse de
la dépense publique, c’est la forte baisse annoncée des impôts. Sans doute ne
parlent-ils pas de l’impôt local ! A y regarder de plus près, des détails
s’éclairent. Pêle-Mêle, on retrouve la suppression de l’impôt sur la
fortune, la baisse de la taxation des dividences et des droits de succession,
une forfaitisation de la taxation sur les revenus du capital. Bref, une logique
d’accroissement des inégalités de patrimoine accompagnée a fortiori d’un
accroissement inévitable du déficit public.
Soucieux
de la démocratie, notamment de la démocratie sociale, sans doute serez-vous
étonné d’apprendre que vos candidats entendent réécrire le code du travail –
toujours grâce à cet outil d’ancien régime que sont les ordonnances
autrement plus antidémocratiques que le 49-3 – pour y introduire des motifs
prédéterminés de rupture du contrat de travail et le recours à des CDD
renouvelables sans limites. J’imagine votre indignation en lisant ces
lignes.
Je
crains malheureusement de la renforcer en vous relatant une autre découverte de
progrès social. La suppression de la généralisation du tiers payant et de
l’Assistance Médicale d’Etat. L’un de vos candidats et non des moindres
propose même la limitation de la CMU à certaines affections graves. Les
toulousains dans la difficulté ont besoin de savoir si leur maire partage ces
promesses.
Enfin,
il y aussi le terrain essentiel et préoccupant pour tout humaniste qui est
celui de la République et de ses valeurs. Monsieur Sarkozy, contributeur entre
autres de votre carrière politique, suggère de suspendre l’immigration
familiale. L’original de cette copie se trouve dans les tiroirs du Front
National. Comme s’y trouve également la contestation du droit du sol avec l'idée de la conditionner, selon l'ancien Président, à une « présomption de nationalité ». En grand
connaisseur de cette notion de présomption en matière pénale - mais c’est un
autre sujet - le pire est à craindre.
Monsieur
Juppé, au moins, ne s’embarrasse pas. Il veut restreindre la nationalité aux
enfants nés en France. Des siècles d’histoire balayés. Vous comprendrez
l’émoi prévisible de milliers de toulousains aux origines diverses s’il
advenait une victoire de la droite. Cet émoi, je comprendrais que nous le partagions.
Ces
mesures s’accompagnent, évidemment, de leur appendice social. Je vous
épargnerais la liste des restrictions prévues pour l’accès aux prestations
et protections comme celle du RSA ou du minimum vieillesse. Là aussi, votre
qualité de maire devrait conduire à la confirmation d’une inquiétude pour vos
administrés en situation difficile.
J’arrête
là l’énumération. Ces quelques exemples de mesures promises sont suffisamment
illustratives. D’autres viendront s’ajouter bientôt au cocotier de cet édifiant
concours.
C’est
non seulement la République, mais c’est aussi la République sociale, à laquelle
s’attaquent vos représentants.
Sur
ces sujets, Monsieur Moudenc, les toulousains veulent vous entendre car
Toulouse n’est pas une république autonome.
Vous
qui avez réclamé une loi sur le burkini, arguant de votre anticipation sur les
conclusions prévisibles que rendraient le conseil d’Etat, j’ai constaté votre
courage sur un débat national à emboiter certaines dérives inutiles. Car
malheureusement, vous n’avez pas poussé l’anticipation juridique jusqu’aux
conclusions évidentes que rendrait le conseil constitutionnel devant une telle
loi.
Alors,
Monsieur Moudenc, quels sont donc vos choix ? La révolution libérale et
inégalitaire de Mr Juppé et Fillon ? La contre-révolution autoritaire et
identitaire de Mr Sarkozy et Le Maire ?
Je
pense pour ma part que l’une ne va pas sans l’autre car le redoutable programme
social inégalitaire aura besoin du terrifiant programme autoritaire : recul de
l’Etat de droit, mépris de la démocratie sociale et des corps intermédiaires,
rétrogradation identitaire de la citoyenneté… Quelque soit le candidat de
droite victorieux, je constate que le « vin est tiré » et l’enjeu démocratique
est à l’ordre du jour.
Je
suis dans l’attente de connaitre vos convictions. L’actualité n’est pas celle
d’une simple alternance politique mais le risque d’une alternative
anti-républicaine se construisant peu à peu sous vos yeux.
Ce
scénario, les toulousains le rejetterons. Et vous ?
Je
vous prie de croire, Monsieur le Maire-Président, à l’assurance de mes sincères
salutations républicaines.
Joel Carreiras
Conseiller Municipal de Toulouse
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