Le double contexte de la contractualisation et de la suppression de la
TH fait en effet peser aujourd’hui un énorme doute sur la conception qui anime ce
gouvernement vis-à-vis des institutions de la République décentralisée.
Nous avons d’un côté une
contractualisation qui contraint la dépense indépendamment de la qualité du
niveau de ressources. Dans ces conditions, à quoi bon s’inquiéter des
ressources puisque cela ne
change rien à la contrainte nouvelle et à la restriction de liberté qui pèse sur leur utilisation. Qu'à cela ne tienne. On va donc supprimer "en même temps" la taxe d'habitation. 20% des ménages les plus
aisés vont bénéficier de 10 milliards de charges en moins tandis que les 20 %
qui sont exonérés de TH n’auront aucun avantage si ce n’est celui de payer la
TVA qui va la compenser.
C'est le second volet : la disparition programmée
du seul impôt assis sur le principe de l’universalité.
avant l'installation du doute sur la garantie de ressource.
En réalité, la taxe
d’Habitation va plutôt être remplacée. Le gouvernement s'échine à promettre d'en compenser son produit, c'est donc bien que quelqu'un le payera.
Nous avons connu cela avec la
Taxe Professionnelle. On crée une usine à gaz pour garantir la compensation du
produit mais pas de son dynamisme. Puis on assoit par ailleurs son remplacement sur une base foncière (CFE). La TP n’a pas été supprimée. Elle
a été remplacée avec un nouvel équilibre faisant du foncier, l'impôt de référence.
Aujourd’hui, sur la TH, on trouve
l’idée géniale du transfert de fiscalité nationale de TVA pour les
départements qui transfèrent à leur tour aux communes leur fiscalité foncière.
A y regarder de plus près, on se
rend compte que ce mécanisme n’a rien d’original. C’est exactement comme cela
que fut créée, en 1979, la DGF : Un transfert de TVA, devenue
dotation, devenue ensuite variable d’ajustement.
La boucle est bouclée sur un dispositif d’ancien temps, celui de la centralisation. Un
dispositif d’ancien régime, celui d’un système fiscal à la logique censitaire,
reposant sur la propriété foncière, renouant ainsi avec certaines théories
prérévolutionnaires qui considéraient que les communes n’étaient qu’une
association de copropriétaires.
La stratégie de l’Etat, si on
veut bien lever le nez du guidon, c’est la suppression de la fiscalité locale universelle
pour la remplacer résiduellement par une assiette foncière, par de l’impôt national et par de la subvention d’Etat. Depuis
1981, Bercy en rêvait. Monsieur Macron le met en œuvre.
L’ajustement
se fera sur les propriétaires et le consommateur. La Taxe d’Habitation n’est pas
supprimée. Elle est remplacée.
A
contrainte macro-budgétaire identique, dans les années qui viennent, nous
aurons à la fois augmentation de la TVA, hausse de la pression fiscale, et
baisse des dotations.
Mais ce qui se joue dans cette
affaire est bien plus grave qu’on ne le pense.
C’est une rupture structurelle et
non une évolution conjoncturelle. C’est à la substance même de la
décentralisation que l’on s’attaque.
La stratégie moderniste du
gouvernement, par petites touches mises bout à bout, est bien celle d’une
inféodation du pouvoir local.
Le danger médiatisé aujourd’hui,
c’est celui de la menace sur la garantie de ressources. Nos associations d’élus
sont prises de tremblements. Serons-nous compensés à l’euro près ?
Mais le vrai débat est celui des
principes, de la philosophie politique qui président aux choix. Il n’est pas seulement
celui de l’inquiétude comptable. Il n’est pas, comme on le prétend, seulement celui
de la contribution nécessaire du pouvoir local à l’équilibre budgétaire des
finances publiques.
Cet argument est le cheval de Troie d’un réajustement institutionnel d’envergure qui ne dit pas son nom.
Les collectivités ne sont que des
centres de coût qu’il faudrait rééduquer par la pédagogie du contrat comme s’il
s’agissait de satellites de l’Etat à domestiquer, comme s’il s’agissait
d’établissements publics dont il conviendrait de raccourcir la laisse, tel le
cerf volant dont on prétend que la ficelle ne l’empêche pas d’être libre, comme
si les maires n’étaient que de simples gestionnaires zélés épousant le vent.
Humer le vent et passer entre les
gouttes alors que le tsunami menace.
C'est malheureusement dans cette paresse que se love la gestion locale de la ville de Toulouse. Elle
n’aurait rien de politique. Il ne s’agirait que d’une affaire technique,
presque domestique, dont l’entourage d’une caution citoyenne bien choisie
viendrait conforter le marketing de la tâche gestionnaire.
Alors on s'attache à faire l'éloge d’une
servitude volontaire, parfois zélée, souvent muette. Une servitude dont on se demande parfois si une conviction la guide, hormis celle du petit calcul déclamant sa révérence aux gens d'en haut de la République en Marche.
Le nouveau viatique est cette habileté à « être partout et nulle part », à revendiquer d’être un Sans Domicile Fixe de la politique, dont la veste se prétend sans étiquette. Cependant, nous le savons tous. Une veste sans étiquette, ça sent toujours la contrefaçon.