Tel qu’il est formulé, le thème du jour était en effet une invitation à ouvrir un débat avec quelqu’un dont les travaux s’écartent d’un certain courant dominant autour de la métropolisation. Je vous invite à consulter l'une de ses publications qui propose une désintoxication vis-à-vis de la mythologie qui entoure le sujet.
Si l’on veut refonder ce que doit être un progressisme de gauche, il faut être capable de recul, y compris sur des postulats à revisiter et dont nous nous sommes faits parfois les exégètes.
Les métropoles ont le vent en poupe. La notion est devenue très présente dans le débat public. Elle le fut avant même toute consécration législative.
Pour définir ce dont nous parlons, plusieurs entrées sont possibles.
Il y a l’entrée institutionnelle. C’est la création récente, par la loi, de 23 EPCI au moment de laquelle certains constats firent florès.
L’urbain, c’est 20 % du territoire mais c’est 80 % de la population. Les 15 plus grandes agglo, c’est 40 % de la population. Les grandes agglomérations, c’est 40 % du PIB.
(Toulouse, c’est 45 % de la richesse régionale et 74 % de la richesse départementale).
Cette tendance à mesurer, quantifier, mettre en équation, avec notamment cette notion de PIB localisé qui interroge finalement peu la nature de la richesse mesurée.
Nous avons donc eu cette consécration législative créant les Métropoles.
Il s’agissait d’accroître l’action publique, de concentrer davantage les moyens pour mieux doper les avantages compétitifs, de rivaliser avec les grandes métropoles européennes et mondiales, de clarifier les niveaux de collectivités…en en créant une nouvelle.
Aujourd’hui, on nous a même proposé d’aller plus loin par la fusion de compétences assumées aujourd’hui par les conseils départementaux.
Il s’agissait donc d’affirmer et renforcer les multiples atouts des métropoles. Une fonction naturelle de ruissellement, d’infusion de l’innovation, d’éclosion de nouvelles valeurs ajoutées, une fonction de compétitivité et d’attractivité.
Une métropole, c’est à la fois un lieu et un levier de croissance. Mais comme il est difficile de définir précisément ce qu’est une métropole, la loi en a fixé, après de longs débats, une liste limitative. Une question se pose. La notion de métropole, comme modèle, existe-t-il vraiment ?
On touche la question de l’adéquation entre les formes institutionnelles de l’action publique et la réalité du monde vécu. En droit, le territoire, ça n’existe pas. Et c’est pourquoi son institutionnalisation est si nécessaire afin qu’il parvienne à une existence politique. La constitution parle désormais de collectivités territoriales plutôt que locales et tout cela, me direz-vous, n’épuise pas vraiment le sujet. Alors de quoi parlons-nous ?
Michel Grossetti souligne un étrange paradoxe.Nous vivons dans un contexte de décentralisation dont l’un des effets inexorables est celui de la concentration.
Une question légitime se pose. Les inégalités territoriales verticales et horizontales s’accroissant, les conditions de la cohésion territoriale sont-elles plus garanties aujourd’hui ? Le bilan de la décentralisation, après 36 ans, est évidemment positif. Mais pour qu’il le demeure, une nouvelle étape semble nécessaire tant il est vrai que les conditions de développement économique et social des territoires ont naturellement évolué.
Il y a donc aussi cette entrée-là, plus substantielle, de la métropolisation.
C’est davantage un processus qu’un statut. Un processus de transformation de l’urbain qui est à la fois celui d’une insertion et d’une mutation.
Une insertion dans la globalisation de l’économie, devenue plus immatérielle, qui réclame davantage de liens que de lieux. Des liens plus concentrés, connectés aux réseaux de la connaissance, de la compétence, de l’innovation. Or, dans cette affaire, ce n’est plus la taille qui importe mais les fonctions. D’où la question que pose Michel Grossetti. L’effet de taille d’un territoire sur son développement économique est-il démontré ?
Une mutation enfin qui veut que le métropolisation, ce n’est pas la même chose que la péri-urbanisation liée à des logiques de migrations résidentielles qui l’ont précédé. Passer de la ville à l’urbain revient à analyser un effet est bien plus systémique qui fait écho aux mutations du capitalisme lui-même et de ses besoins.
L’ensemble de ces éléments engendrent des questionnements. Le débat prend un tour nouveau.
Certains défendent le processus de métropolisation pour en faire l’alpha et l’omega des conditions de la croissance. Sauf que la croissance, en soi, n’est pas productrice d’égalité. Elle n’est pas, en soi, le levier d’un progressisme assuré. Les corrélations statistiques ne peuvent suffire à fonder une vision ou une politique car une corrélation statistique n’est pas une causalité. Les tenants de la métropolisation font valoir le rôle redistributif des métropoles en omettant trop souvent de dire qu’il repose aussi et surtout sur des financements publics contingents.
D’autres au contraire, rejettent le phénomène et tendent à une forme de repli nostalgique ou de crispation territoriale. Le constat de territoires à deux vitesses n’est pas faux en ce qu’il démontre que le ruissellement de la richesse des uns ne garantit pas son infiltration dans le substrat territorial de leur périphérie. Là aussi, il conviendrait d’en faire l’analyse étayée. Je renvoie là aussi à une récente étude.
Nous sommes confrontés à un double effet nous dit Michel Grossetti. Des forces de concentration, d’une part et des forces de dispersion d’autre part.
Chacune ayant leurs externalités négatives, on attend de la puissance
publique qu’elle s’y confronte. Mais chacune ayant aussi des externalités
positives, on attend de la puissance publique qu’elle les favorise.
Quelle régulation territoriale à tout cela ? Quelle configuration optimale des formes institutionnelles de cette régulation doit-on approfondir ?
Si la métropole tire sa force de sa densité et de la fluidité, la conciliation est-elle possible et à quelles conditions ? Jusqu’à quel point la concentration de population et d’équipements qu’impliquent ces phénomènes est-elle soutenable ?
Un équilibre peut-il naître de cette tension permanente ?
Peut-on réguler cette tension et en faire un modèle d’équilibre ou bien va-t-on dans le mur ? Tout cela est-il bien gouvernable pour les institutions locales ? Tout cela est-il bien soutenable pour les finances locales ?
Il s’agit là de questions d’une brûlante actualité. La métropole toulousaine a gagné 210 000 habitants en 25 ans. Le rythme d’accroissement est de 10.000 hab/an et le double sur l’aire urbaine.
Les budgets publics permettront-ils de relever le défi dans un contexte où l’Etat, confronté au problème de la ressource publique, s’engage comme jamais dans un ajustement structurel sans précédent de l’architecture institutionnelle de la décentralisation pour mieux y faire face ?
Quelle régulation territoriale à tout cela ? Quelle configuration optimale des formes institutionnelles de cette régulation doit-on approfondir ?
Si la métropole tire sa force de sa densité et de la fluidité, la conciliation est-elle possible et à quelles conditions ? Jusqu’à quel point la concentration de population et d’équipements qu’impliquent ces phénomènes est-elle soutenable ?
Un équilibre peut-il naître de cette tension permanente ?
Peut-on réguler cette tension et en faire un modèle d’équilibre ou bien va-t-on dans le mur ? Tout cela est-il bien gouvernable pour les institutions locales ? Tout cela est-il bien soutenable pour les finances locales ?
Il s’agit là de questions d’une brûlante actualité. La métropole toulousaine a gagné 210 000 habitants en 25 ans. Le rythme d’accroissement est de 10.000 hab/an et le double sur l’aire urbaine.
Les budgets publics permettront-ils de relever le défi dans un contexte où l’Etat, confronté au problème de la ressource publique, s’engage comme jamais dans un ajustement structurel sans précédent de l’architecture institutionnelle de la décentralisation pour mieux y faire face ?
Octobre 2018
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